un joli conte systémique ou comment je suis devenue thérapeute

Il était une fois, une petite fille que l’on appelait Boucle d’Or.

Cette petite, âgée de 7 ans avait une grand-mère : Mère-Grand qui avait de grandes dents, elle faisait un peu peur mais cachait beaucoup d’amour derrière ses grands dents.

Cette grand-mère avait la particularité de parler un langage très compliqué que seule Boucle d’Or savait décoder.

Comme elle était très heureuse de passer de bons moments avec Mère Grand, elle essayait tant bien que mal de parler son langage et surtout de le traduire à sa propre mère qui ne le comprenait pas du tout et cela la rendait un peu malheureuse.

Alors, Boucle d’Or, du haut de ses 7 ans décida que, plus tard, elle deviendrait « traductrice de Mères-Grands ».

 

Boucle d’Or grandit, elle appréciait particulièrement se promener dans la forêt pour y rencontrer tous ses habitants.

Elle sillonnait la forêt jour après jour.

Elle y rencontrait Mr Ours qui n’avait jamais rien à manger et lui faisait découvrir la réserve de miel des abeilles, Mme Écureuil qui avait perdu la mémoire et ne pensait plus à faire des provisions de noisettes pour l’hiver, Mme Lapine qui avait tant de petits lapereaux qu’elle ne pouvait tous les nourrir, Mr Blaireau dont le logis s’était envolé…

Bref, elle s’affairait dans tous les sens mais pourtant, pourtant, il lui semblait que rien ne changeait et, que, à chaque saison nouvelle, elle devait recommencer : à chercher du miel pour Mr Ours, apprendre à Mme Écureuil à cacher des noisettes, à Mme Lapine à nourrir ses lapereaux et à Mr Blaireau à garder son logis hors de la tempête.

Boucle d’Or voulait comprendre et ainsi aider ses amis autrement.

Pourquoi Mr Ours était toujours en manque de nourriture ? Pourquoi Mme Ecureuil ne savait-t-elle pas cacher les noisettes, pourquoi Mme Lapine avait tant d’enfants et pourquoi Mr Blaireau prenait si peu soin de son logis ?

Perdue dans ses réflexions, elle continuait à sillonner la forêt, chaque jour et se heurtait toujours aux mêmes recommencements.

 

Un jour, elle vit passer près d’elle une drôle de petite souris, celle-ci lui fit un grand sourire et lui dit : « Moi, c’est Valérie La Souris. T’es qui toi ? Qu’est ce que tu fais là ? Pourquoi tu viens dans la forêt si tu habites dans la ville ? À quel âge tu as commencé à venir par ici ? Est-ce que les autres dans ta famille font ça aussi ? ». La petite souris était très attentive aux réponses de Boucle d’Or et lui parlait beaucoup de sa famille, elle était toujours bienveillante et voulait toujours tout comprendre.

Boucle d’Or prit l’habitude de revoir la petite souris et commença à se dire : « pourquoi s’intéresse-t-elle à tout ça, quelle importance ? Puis elle pensa de plus en plus à sa famille, à son histoire et repensa à sa grand-mère dont elle voulait tant apprendre le langage, à sa maman parfois si triste…

Alors petite souris lui dit : « Toi qui aimes tant découvrir le monde et tous les êtres qui le composent, va donc, lors de tes promenades, faire un tour près du pont des Tanneries. Là-bas, il y a plein de drôles d’animaux qui regardent le monde et parlent une langue que tu apprécieras grandement.  J’ai grandi dans leur univers et je te pense prête à y accéder. »

 

Quelque mois plus tard, au cours d’une promenade ensoleillée, Boucle D’Or décida qu’il était temps de s’approcher de ce fameux pont.

Elle y fit la connaissance d’un drôle de petit insecte : Sylvie La Fourmi.

Cette petite fourmi passait son temps, perchée dans les arbres à les étudier, les mesurer, les dessiner, les cajoler.

Il les soignait quand ils avaient une branche cassée, posait un tuteur quand ils menaçaient de tomber.

Sylvie La Fourmi était sylvicultrice, elle parlait de son métier avec passion et eut rapidement de grandes discussions avec Boucle d’Or sur l’art de prendre soin des arbres, les arroser, les tailler quand il était nécessaire et surtout, surtout leur parler pour les aider à grandir.

Elle s’occupait des arbres centenaires de la même manière qu’elle prenait soin des petits rejets et des jeunes pousses, elle apprit à Boucle d’Or que chaque arbre avait son histoire, générait de nouvelles pousses qui parfois prenaient racines sur un vieux tronc coupé que tout le monde avait oublié et que celui-ci même en état de décomposition apportait un terreau indispensable à tous ces petits arbres en devenir. Elle lui apprit qu’une ancienne blessure sur un tronc ou une branche, influait sur sa croissance et que même au bout de plusieurs années, cette ancienne blessure pouvait être repérée, pansée et même réparée.

Elle lui apprit que cette blessure servait parfois à accueillir une nichée de rossignols et que de cette manière l’arbre faisait de sa différence un atout merveilleux.

Elle lui montra comment regarder ses propres arbres, à comprendre comment ils avaient poussé, parfois de guingois mais toujours majestueux, comment ils l’avaient protégée du vent, du froid, du soleil. Elle prit conscience qu’elle avait pu et pouvait encore se nourrir grâce aux fruits savoureux qu’ils déposaient à leur pied tout au long de l’année, et que même si certains étaient gâtés ou trop verts, elle pouvait toujours en faire quelque chose de délicieux : une compote ou du jus de fruits qui lui donnaient immanquablement de l’énergie pour reprendre ses longs périples dans la forêt lorsqu’elle se sentait un peu fatiguée.

Boucle d’Or prit alors l’habitude de se promener de plus en plus loin dans la forêt, ses longues balades lui permettaient de regarder le monde différemment, car elle commençait à comprendre que la forêt ne se composait pas d’essences différentes et d’animaux de toutes sortes, mais que tous étaient en lien dans un univers organisé où chacun avait une place et un rôle bien défini.

 

C’est en automne qu’elle fit la connaissance de Patrick Le Porc Epic..

Patrick était un grand curieux et avait un pouvoir magique : il transformait les couleurs.

En quelques formules magiques : il savait changer le gris en jaune flamboyant, le noir en rouge éclatant et le caca d’oie en chocolat.

Chaque fois qu’il voyait un animal blessé ou un végétal tout abîmé, il s’asseyait à côté de lui pendant plusieurs heures et discutait, discutait…

« Quand tu étais un petit renardeau, comment te rêvais-tu grand renard ? » « Comment as-tu grandi ? »

Le renard lui raconta qu’il avait grandi dans une famille de 9 petits renards. Sa mère avait été abattue par des chasseurs alors qu’il avait seulement quelques semaines.

Son père partait à la recherche de nourriture toute la journée et les petits devaient se débrouiller seuls.

« Qui t’aidait alors, comment as-tu réussi à survivre ? »

« C’est une louve qui a pris soin de moi. Un jour que je me trouvais près d’une ferme, la faim au ventre, une grande louve s’approcha de moi, je ressentis alors une grande frayeur mais ses yeux me laissaient croire qu’elle ne me voulait pas de mal et effectivement, elle me donna tout d’abord de la nourriture, puis m’apprit à chasser seul et je pus ensuite aider mon père et mes frères à se nourrir ».

Alors, Patrick Le Porc Epic fit comprendre au renard combien son histoire douloureuse au départ lui avait permis d’être ce qu’il est aujourd’hui, la facilité d’entrer en contact avec les animaux de la forêt surtout  les plus apparemment féroces, l‘attention qu’il portait aux plus fragiles et les heures passées à apprendre aux petits à grandir.

Son idée était alors de faire prendre conscience que  d’une fragilité émergeait une sensibilité particulière.

Boucle d’Or passa alors de longs moments avec Patrick Le Porc Epic.

Elle lui raconta l’amour qu’elle portait à sa Mère Grand et sa tristesse de ne pas savoir traduire son langage, elle lui raconta comment petite fille, elle avait été attaquée par un sanglier et comment ses parents l’avaient tout de suite écoutée et soignée quand elle leur avait fait part de sa blessure qui pourtant était invisible, comment elle avait alors peur de certains animaux mais qu’elle avait ensuite appris à s’en protéger sachant qu’elle était bien à l’abri dans sa maison avec ses parents et son petit frère.

Patrick écoutait, réfléchissait puis soufflait les mots magiques.

«Moi,  je crois au contraire que tu es une grande traductrice : tu as appris très vite à faire passer des messages entre ta mère et ta grand-mère, tu leur a permis d’apprendre l’une de l’autre, sans en avoir l’air, tu as permis à ta mère d’être mère pour la première fois et ta mère-grand, mère-grand pour la première fois, ainsi chacune a pu regarder l’autre avec une nouvelle paire de lunette.

Tu as donc appris à dire et faire dire non seulement les mots mais également les émotions.

Ta blessure invisible t’a également permis de comprendre le pouvoir des mots et la confiance, tu sais dire sans avoir peur de ne pas être crue mais tu sais également écouter. Alors tu as appris à te protéger mais également à protéger.

Les animaux de la forêt te font grande confiance et ils savent bien que s’ils te confient leurs chagrins, ils auront une écoute bienveillante et un soutien indéfectible.

Tout cela c’est ton histoire qui te l’a permis et appris. »

Boucle d’Or fut alors très attentive à ce qui se passait en elle lorsqu’elle rencontrait les animaux de la forêt, elle prit l’habitude de se centrer non seulement sur l’échange qu’elle pouvait avoir avec eux mais également sur les émotions qu’elle ressentait  au moment de cette rencontre : peur, colère, tristesse … devinrent alors des atouts importants dans la compréhension de ce qui se passait entre eux.

Parfois, un sentiment très fort venait la changer en statue de sel, l’empêchant de penser et de  parler et c’est lorsqu’elle prenait conscience du lien entre cette émotion et son histoire et se demandait pourquoi cette vibration arrivait précisément à ce moment là, qu’elle pouvait en changer la couleur et en faire une lumière chatoyante.

Elle apprit alors à devenir « coloriste de vibration ».

 

C’est quelques mois plus tard qu’elle rencontra François Le Koala.

François était gaga du tour de France et il adorait regarder les équipes cyclistes tourner sur les vélodromes.

Sa passion : observer tous ses concitoyens pédaler et pédaler avec eux.

Ensemble, ils essayaient de comprendre pourquoi une équipe avait bien fonctionné, en harmonie, mais surtout pourquoi une autre équipe alors que bien lancée, s’était retrouvée avec un pédalier cassé, un pneu crevé ou avait déclaré forfait.

L’équipe était décortiquée : comment chacun des cyclistes y trouvait sa place, pourquoi Mr Lapin avait choisi l’équipe de l’Épervier et non celle du Lièvre, pourquoi Mme Tourterelle se mettait systématiquement en colère contre Mr Étourneau ?

Les relations entre les équipes étaient également importantes : pourquoi celle-ci démarrait toujours très rapidement pour finir par s’essouffler et pourquoi cette autre arrivait toujours à se mettre les autres à dos ?

Boucle d’or apprit combien il était important de se regarder pédaler avec l’aide d’un Koala afin de ne pas se retrouver en panne sur le bord de la route.

 

C’est un peu plus loin, dans la forêt du Chapeau Rouge qu’ elle rencontra Fabrice le Ibis, roi des mots et percutant,  le chat Vita calme et apaisant, l’ hippopotame Myriam pertinent et pince-sans-rire, et ensemble ils traversèrent la forêt des sculptures et des émotions, dessinèrent des cartes du monde colorées et chatoyantes, toujours dans l’idée de faire connaître à Boucle d’Or ses émotions, représentations, forces et faiblesses.

Ils lui montrèrent le chemin de la cabane à outils.

Elle était située en retrait près d’un petit bosquet à proximité du chemin des mots.

Au départ, Boucle d’Or hésitait à s’en approcher, tournait autour au prétexte de cueillir quelques champignons ou ramasser quelques noix puis elle osa s’y aventurer en poussant la vieille porte en bois un peu récalcitrante. Et alors, elle y découvrit des sculptures, des cartes, des bouchons, des images, des blasons, une encyclopédie des arbres …

Elle prit l’habitude de s’y rendre régulièrement, au début elle commença par regarder tous les outils les uns après les autres, puis avec beaucoup de soin, elle se mit à les approcher et même à les emporter avec elle lors de ses grandes balades en forêt.

Elle les reposait, puis les reprenait, leur trouvant à chaque fois un nouvel intérêt.

Certes, elle avait ses outils préférés, mais chut … c’est un secret.

 

 

L’histoire de Boucle d’Or s’achève ou plutôt commence maintenant…

De ses anciens réflexes, il ne reste rien ? en tous cas elle y aspire, même si il faut bien reconnaître que parfois, une solution toute faite ou un « Yaka » pointent encore le bout de leur nez.

Elle veut permettre aux animaux de la forêt de se souvenir de l’enfant qu’ils ont été, d’oser se dire, nommer leurs sentiments, leurs émotions, leur vécu et leurs désirs.

Elle se perçoit comme un bonbon au miel qui serait là pour faciliter la parole, lorsque la gorge gratte un peu ou qu’une extinction de voix empêche toute communication au sein d’une nichée, comme un passeur, un intermédiaire.

L’idée est de permettre d’aller au-delà du silence des mots pour dépasser la violence des maux, pour y trouver un sens et permettre à chacun de modifier, transformer une relation vécue comme douloureuse, restaurer des liens apaisés et satisfaisant pour chacun.

Boucle d’Or est toujours émerveillée face à la finesse et à la créativité des animaux rencontrés lors de ses longues balades.

Aujourd’hui, elle sait qu’il lui reste beaucoup de sentiers à explorer et que la forêt est grande mais elle n’a pas mal aux pieds et la distance à parcourir ne lui fait plus peur.

 

Alors, si par hasard, vous passez près du petit ruisseau situé tout près de l’arbre centenaire, vous la croiserez sûrement, elle sera sans doute en grande conversation avec Mr et Mme Tourterelle entourés de leurs petits oisillons, et un peu plus loin, cachée derrière une grosse pierre pleine de mousse, vous pourrez apercevoir une Mère-Grand aux grandes dents un grand sourire aux lèvres …